CHOUETTE

D’après le roman de Carl Hiaasen

CHOUETTE

Écriture-adaptation française de Sophie Lecarpentier.

UN SPECTACLE & DES ATELIERS SUR MESURE EN AMONT DE LA CRÉATION

La fonction de l’artiste est ainsi fort claire :

il doit ouvrir un atelier,

et y prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui vient.

Francis Ponge

DÉMARCHE ET AMBITION ARTISTIQUE

CELEBRER LE VIVANTpour rompre avec la domination de l’humain sur la nature et replacer ainsi l’humanité non pas au-dessus de la nature mais en son sein résonne fondamentalement avec mes priorités d’artiste.
Ma formation d’art thérapeute, cette dernière année, a spécifiquement aiguisé mon regard sur les douleurs psychologiques que crée la perte de sens du présent. Les adolescents notamment vont mal (dépressions chroniques, troubles psycho-affectifs, manque de confiance en soi et en l’avenir). Il y a un besoin de prises de paroles et de gestes qui réactivent des possibles, qui raccommodent avec le futur. La relation de l’homme avec sa planète et sa nature est au centre de cette crise existentielle. Nous devons retrouver l’évidence d’un rapport de respect mutuel avec le vivant, et nous autoriser à refuser avec radicalité ce qui nous en éloigne.
C’est ce qui anime mon énergiepour monter cette nouvelle production théâtrale poétique et militante, point de convergence de toute ma pratique artistique.

Je propose donc de créer « CHOUETTE » :
Un thriller écologique haletant dans lequel de fragiles petites chouettes l’emportent face à une société géante de boulangerie, montrant que certains combats peuvent être gagnés.
Un spectacle engagé, pour publics adolescents et adultes, qui donne confiance dans la possibilité de prendre en main son avenir — Contre les discours colapsologues et le pessimisme ambiant.
Une fable où la jeunesse est visionnaire et active, sans fatalisme.

La catastrophe écologique et sociale de notre époque exige une révision totale de nos manières d’agir. Nos relations avec le vivant sont en crise. Le théâtre aussi me semble avoir sa part à accomplir dans l’effort de mutation nécessaire.

CHOUETTE est une proposition de réponse.

Il y a une contradiction évidente (Cf le rapport du Syndeac) entre se mobiliser contre l’inertie des gouvernements face au réchauffement climatique, et faire des tournées de plus en plus courtes, des spectacles énergivores, face à des spectateurs qui vieillissent. Comment impulser un nouveau souffle ? remettre du vivant dans notre pratique ?  Et ce, dès le début et tout au long du processus de répétitions ?

Avec ce spectacle je fais le choix drastique et artistique :
– De revenir à l’essentiel, à la genèse du théâtre, cet espace public où l’on débat des choses communes.
– De le faire dans une économie de moyens, dans une grande simplicité ; Ce qui est énoncé sur scène existe immédiatement dans l’imaginaire des spectateurs ; c’est la force de l’art dramatique et le secret de sa longévité.
– De le faire en interaction avec la cité et le présent, en créant un dispositif artistique interdépendant de l’action culturelle et vice-versa ; une forme vivante, qui se réinvente à chaque représentation.
– De devenir un laboratoire où expérimenter une nouvelle forme d’action citoyenne ; avec un texte en partie écrit pour et avec des jeunes élèves partenaires du projet.

Le théâtre est un lieu où l’humain a la possibilité de se donner du jeu (cet espace entre deux pièces qui permet le mouvement) et de raviver l’énigme d’être un corps vivant, en contact avec le Vivant dans son ensemble.
Nous remettons donc le sensible, et le jeu, au centre de notre travail, et tentons de convoquer, par DES METHODES DE TRAVAIL INHABITUELLES, une prise de conscience différente, intime et ressentie, chez les spectateurs.

AU DEPART, UN TEXTE :

CHOUETTE a reçu le prestigieux «  »Newbery Honor », prix américain du meilleur livre pour enfants.

L’HISTOIRE- Notre adaptation

Enfant régulièrement déraciné par les obligations de travail de ses parents, Antoine vient d’arriver au collège Saint Exupéry. Calme et timide, il devient la cible d’un grand costaud de 4eme qui trouve plaisir à le harceler. Un jour, par la fenêtre du bus qui l’emmène en classe, il aperçoit un gamin, nu pieds, courant à une vitesse folle, dans la direction opposée au collège. Il se met à le guetter et décide de tout mettre en œuvre pour le retrouver.
Parallèlement, dans un terrain vague de la ville où doit s’installer bientôt une grosse croissanterie industrielle, chaque nuit, des actes de vandalisme retardent le chantier. Un policier enquête. L’affaire se corse : il semble que quelqu’un empêche, volontairement, les travaux de commencer.
Antoine va peu à peu relier les deux affaires en découvrant que de petites chouettes, d’une espèce protégée, nichent sur le terrain. Et qu’un mystérieux individu a décidé de tout entreprendre pour les sauver. Commence alors une aventure, puis un combat excitant, qui jonglent avec les notions de convictions écologiques et de respect des lois, de société cynique et d’activisme amateur. Jusqu’au jour final où adolescents engagés et industriel sournois se retrouvent face à face.

UNE FABLE- COMME UN NOUVEAU RECIT 

Adapter ce thriller écologique de Carl Hiaasen, journaliste d’investigation et romancier américain, c’est interroger ce que c’est qu’être « adolescent » aujourd’hui.
De manière optimiste, la fable ravive en nous l’autorisation et l’envie de créer des petites communautés d’amitié entre des êtres humains qui croient à un changement possible des paradigmes actuels et travaillent à la projection d’un futur joyeux.
Les enfants de cette histoire ne sont pas des nantis, ne possèdent pas grand-chose. Ils se passent leurs vieux tee-shirts et leurs vieilles chaussures, vivent dans la forêt ou dans des quartiers populaires. Loin de la société de consommation — qu’ils admirent pourtant — quand ils sortent, c’est pour tromper l’ennui, faire du vélo, du ping-pong ou du foot et se retrouver entre amis.
Et soudain, un peu par hasard, quand une grosse industrie s’apprête à transgresser la légalité pour s’implanter et faire de l’argent, et que le capitalisme veut imposer son cynisme aveugle aux questions environnementales, trois adolescents vont s’allier et additionner leurs capacités d’agir, soudés par un but commun : sauver des êtres vivants, ces bébés chouettes d’une espèce protégée. Ils s’autorisent mutuellement à se positionner comme acteurs de changement.

Dans un parcours semé d’embuches, faisant face à des choix complexes, ils apprennent à comprendre ce qu’ils ressentent, à défendre leurs convictions, à grandir sans se renier.
Ils reviennent à l’essentiel : croire en soi et donner, d’abord, la priorité au Vivant.

ENSUITE, EXPERIMENTER UN PROCESSUS DE TRAVAIL :

Des ateliers d’action culturelle intrinsèquement liés au spectacle.

Profondément populaires et caractérisés par une inventivité au service d’un ludisme scénique et d’un rythme cinématographique, les spectacles de la compagnie Eulalie s’adressent toujours au plus grand nombre.

Pour la première fois, CHOUETTE s’adressera aussi, plus spécifiquement, à un public jeune, d’adultes en devenir.

Pour la première fois aussi, je souhaite expérimenter l’instauration d’un lien de jeu réel avec le public, en formant des élèves ou amateurs « acteurs-partenaires » lors d’ateliers d’actions culturelles dédiés au spectacle et menés en amont des représentations.

La fresque de CHOUETTE appelle la réflexion. Elle pose la question de la place de l’homme dans le vivant et des conséquences de ses actes. Nous associerons concrètement des élèves au débat de la dernière scène : le face à face entre l’institution commerciale et des enfants avec le droit de leur côté,se réinventera, par ricochet, chaque soir.

Cela se construit en 2 temps :

  • Des ateliers « Chouette ensemble » : mis en place dans le théâtre ou proposés aux établissements scolaires, partenaires du projet. Cela prend la forme d’une semaine intensive d’initiation théâtre, au cours de laquelle le travail des voix, des corps et de l’oralité sera développé autour des questions écologiques. Nous aborderons les questions de la prise de parole sur scène et de la conscience de l’importance des convictions. Nous inciterons les élèves, ou les amateurs, à venir défendre un propos, à se positionner sur les questions écologiques, sans manichéisme. Nous les préparerons à intervenir de la salle, puis sur la scène du théâtre, pendant la représentation de « CHOUETTE ». (voir page 10 action culturelle)-
  • CHOUETTE, un spectacle où les spectateurs scolaires, complices avertis, montent sur scène : Dans ce second temps, lors de leur venue au théâtre pour le spectacle, les élèves et/ou les amateurs deviennent partie prenante du dénouement en forme de coup de théâtre. De la salle ils répondent aux injonctions des acteurs, se positionnent idéologiquement et vont pour certains, jusqu’à monter sur le plateau pour s’allier aux protagonistes de notre histoire. Ensemble dans la fiction, acteurs et amateurs éclairés, s’allient contre l’écrasante firme boulangère et ses émissaires impressionnants.

Par ce processus, nous initions un protocole de représentation dans lequel le public est appelé à participer vraiment et à choisir son camp,en direct. C’est une manière sensible, concrète, de s’impliquer physiquement et idéologiquement, sans risque mais avec enthousiasme. Les élèves et les amateurs deviennent le temps d’un spectacle, acteurs de leur vie en même temps qu’acteurs de théâtre. Et la boucle se boucle.

Un esthétique minimaliste

CHOUETTE est un Thriller.

  • Ça va vite, on est pris dans une spirale d’évènements qui s’enchaînent en cascade. La fresque progresse sans temps mort. Le récit haletant et l’intrigue à démêler nous mènent.
  • L’espace scénique, dénudé, joue avec des accessoires et objets symboliques pour nous transporter d’un lieu à l’autre, en imagination. Un tapis, 4 chaises, un arbre, une palissade réversible nous emmènent d’un terrain vague à une cantine de collège, d’un commissariat de police à une voiture, d’une cuisine à un perron de maison…
  • Les costumes réalistes, usés et contemporains permettent l’identification des spectateurs aux acteurs. On parle d’aujourd’hui dans une esthétique d’aujourd’hui.
  • Des effets sonores naturalistes et subliminaux donnent des indices sur les lieux concrets, et sur l’état émotionnel intérieur des personnages. Ils font partie de la scénographie mais sont aussi vecteurs de poésie (des anges passent, des doutes planent, l’air vibre, se tend ou s’adoucit…).
  • Le spectateur est actif. Sa créativité est sollicitée pour compléter les images scéniques évoquées.
  • Le personnage principal, Antoine, ne quitte pas le plateau. C’est son histoire qu’on raconte. Autour de lui gravitent les autres acteurs de la troupe. Sans cesse mobilisés, ils enchaînent les rôles pour créer des tableaux vivants et une galerie de personnages loufoques, parfois déjantés, mais profondément humains (camarades de classe harceleurs violents ou complices enthousiastes ; policiers perspicaces ou blasés ; parents, défaillants ou bienveillants ; chef de chantier benêt ; starlette de cinéma de pacotille ; médecin efficace… )
  • Le rythme du spectacle, les multiples péripéties se calquent sur la perception de l’adolescent, son imaginaire. Un paysage se dessine à travers le regard d’Antoine. Le spectateur participe à ses interrogations et ses colères, s’accapare sa lucidité et son engagement.

Ce mode de représentation minimaliste permet de mettre en évidence l’essentiel.

Sans être une pièce à thèse, car l’action y est primordiale, et le suspens en est la sève, nous utilisons une histoire d’adolescent en mal d’aventure pour initier une réflexion sur les notions de bien et de mal, de droit et de désobéissance civique, de primauté, ou non, à donner au vivant.

CHOUETTE prend la défense de la nature et de l’environnement contre le matérialisme et le profit, et brosse, avec ludisme, le tableau d’une société où la corruption et la bêtise vont de pair, et s’opposent aux valeurs simples et aux idées généreuses — qui pourtant finalement l’emportent ! Cette histoire d’amitié et de respect de la nature fait ressentir les disfonctionnements du monde et propose aux adolescents d’y « jouer un rôle » aujourd’hui, d’une manière neuve. A commencer par celui qu’ils sont entraînés à interpréter sur le plateau, devant les spectateurs, avec l’équipe du spectacle.